Différence entre le grimpereau des bois et le grimpereau des jardins ?... Avant tout, ils ne chantent pas de la même façon et n'occupent pas exactement les mêmes milieux... Quand j'ai commencé à m'intéresser aux oiseaux, ils constituaient à eux deux une seule espèce : le grimpereau familier...
C'est une illustration parfaite de tout ce qui peut toucher à la spéciation en particulier et à la théorie de l'évolution en général... Le grimpereau des bois occupe l'Europe de l'est, du nord et les îles britanniques... Le grimpereau des jardins l'Europe occidentale et méridionale... Mais ce serait trop simple, leurs territoires se chevauchent sur la majeure partie du continent, notamment quand l'altitude s'élève et qu'on retrouve loin de son "berceau" le grimpereau des bois, probable représentant de populations relicutelles... Les flux et reflux glaciaires sont passés par là... Mais quand ?... Comment se sont-ils séparés ?... Comment se sont-ils retrouvés ?... Est-ce vraiment une différenciation définitive ou une spéciation potentielle encore en cours ?... Peut-on affirmer que les deux espèces ne s'hybrident pas ?... Quelqu'un peut-il dire que, s'ils ne le font pas, ce n'est pas uniquement par pur racisme ou parce qu'ils ne parlent plus la même langue ?... Les traits morphologiques sont d'ailleurs très ambigus : les grimpereaux des bois britanniques ressemblent - et on pourra me dire tout ce qu'on voudra - autant aux grimpereaux des jardins qu'à leurs congénères nordiques ou orientaux... Je crois entrevoir ici une métaphore du mythe de Babel...
En tout cas, en Limousin, le grimpereau des bois est présent en altitude (modeste, comme il va de soi dans la région)... Je le rencontre sans difficulté sur le plateau de Millevaches ou dans les monts d'Ambazac... Toujours dans les hêtraies pures ou mixtes... Ailleurs : nada !...
Egalement observé dans les Pyrénées, à plus de 1 000 mètres, toujours dans des hêtraies...
L'oiseau grimpe le long des troncs, chante beaucoup au printemps... Meilleur critère visuel (en France) : le ventre quasi immaculé... Le reste n'est que détails de plumage très difficiles à saisir sur le terrain...
Vous entrevoyez ici mon scepticisme pour tout ce qui touche à la tendance actuelle à voir des espèces partout... Beaucoup de scientifiques semblent penser aujourd'hui que, dès lors que l'on ne se parle pas, qu'on ne s'accouple pas et que l'on affiche de légères différences génétiques, on n'est pas de la même espèce... Franchement, ça fait flipper !... Et tout le monde trouve ça formidable !... Le critère de descendance fertile pour définir une espèce me semblait une excellente chose... Quant à la reproduction, elle doit être à mon sens théoriquement possible et non techniquement avérée... Sinon que diront tous les grands "créateurs" d'espèces au sujet des Papous et des Inuits du XV° siècle qui ne risquaient pas de se rencontrer ?... Et pourtant...
J'ai dévié dans cet article... Si certains lecteurs trouvent la digression déplacée : pardon, c'est vrai que ce n'est pas le propos de ce site... Toujours est-il qu'humblement, puisque c'est la "doxa", je traite le grimpereau des bois comme une espèce à part entière... Et humblement encore... Mais ça n'empêche pas de réfléchir... Et de rester vigilant... Ce n'est pas parce que la plupart des vertébrés ont été découverts que les naturalistes modernes, frustrés et laborantins, doivent changer les règles pour en inventer de nouveaux... A un tel point que bientôt on ne pourra plus distinguer aucune espèce sur le terrain et que, de toute façon, puisqu'on n'y sera pas, on ne verra pas si elles s'accouplent ou non entre elles...