Phalacrocoracidés (cormorans...)

Pourtant, il y a quelques dizaines d'années, l'espèce, menacée, était encore immanquablement associée à l'Alsace, fragile sanctuaire français de reproduction, où venaient encore "s'échouer" quelques couples, aux marges occidentales de la vaste zone de répartition d'Europe centrale et orientale... Quand j'étais gamin, la cigogne était quasiment en voie d'extinction en France... Et puis les années passant, les couples se sont multipliés dans l'est de la France, pendant que d'autres s'installaient sur les pourtours méditerranéen et atlantique, comme si la jonction devait être assurée entre les populations orientales et ibériques...

Maintenant, certaines régions sont littéralement colonisées, notamment le Languedoc et la Provence... Idem pour la Charente-Maritime... L'espèce est en expansion...

Le phénomène a des indicences jusqu'en Limousin où les passages migratoires sont devenus réguliers, au printemps et en automne... On peut désormais espérer voir des cigognes ici et un couple niche en Creuse... Peu de stationnement, mais des passages ou des haltes nocturnes... Dans ce contexte, j'ai vu à Limoges une bonne cinquantaine d'oiseaux posés sur un immeuble du centre ville au lever du jour alors qu'ils s'apprêtaient à reprendre leur périple...

Mais le paradis de la cigogne, c'est la péninsule ibérique...

Pas un village ou une ville sans nids... Sur les pylônes électriques et sur les arbres isolés dans la campagne... Sur les clochers, les cheminées ou sur de petits bâtiments en ruine au milieu des champs, quand rien d'autre ne se propose... Vous levez la tête et elles sont là... Si bien qu'une fois de retour en France, elles "manquent"... Le regard, machinalement, se perd pendant quelques jours sur les toits, dans une quête absurde... Réflexes conditionnés...

Les nids sont énormes et semblent ponctuer chacun des angles des édifices qu'ils occupent, comme des symboles géométriques ou des repères d'architecte... L'air est peuplé des claquements de bec, sonores, émis par les oiseaux aux abords des aires...

Celles-ci sont en général occupées par deux, voire trois poussins, seuls survivants des six oeufs initialement pondus...

Surprenant, en ville, comme la vie se déroule sur deux strates différentes, de façon totalement indépendante... Le sol est aux hommes et les toits aux cigognes... Promiscuité absolue sans interpénétration aucune... Je me suis toujours étonné, en Espagne, de ne jamais observer un seul oiseau sur le plancher des vaches, en milieu urbain, quand bien même la nourriture y serait facile à dénicher et les rues désertes... Peut-être cette considération est-elle seulement le fruit de ma propre expérience et ce phénomène est-il en réalité banal... Mais c'est ainsi que les choses me sont apparues...